Beginning

Une pièce ciselée, qui raconte le temps entre deux instants, celui de la rencontre entre deux quarantenaires blessés, celui où ils savent où ils vont aller. Un temps en équilibre fragile à savourer.

Sur scène, les éléments d’un appartement à la mode Mondrian, clic-clac en simili cuir, meubles colorés accrochés aux murs. Laura est assise sur le canapé, jambes repliées sous elle comme on s’assied quand on se détend. Danny est debout, qui se demande un peu pourquoi il est encore là, invité de la dernière heure, c’est l’ami qu’il a accompagné qui a pris le taxi.

Ils ont quarante ans tous les deux, ils sont seuls tous les deux. Ils sont là, un peu gauches, avec leurs envies, leurs histoires, leurs doutes, leurs faiblesses. Ils se désirent, se parlent, se racontent, se rapprochent, s’éloignent. Applis de rencontres et réseaux sociaux ne sont pas bien loin.

Le désir, l’envie, l’opportunité, tout est là. L’hésitation, aussi, et la peur qu’un jour l’incompréhension s’installe. Petit à petit, avec des mots, des silences, des maladresses, ils se découvrent. L’horizon du départ de Danny s’éloigne, revient, repart…

Je suis fasciné par les pièces qui décrivent un instant où tout bascule, j’ai lu et relu Intersection (Vladimir Volkoff), le dialogue de deux anges gardiens au moment où François et Solange se rencontrent. Quand elles sont bien faites, le temps est suspendu.

De ce point de vue là, le texte de David Eldridge est ciselé, de ces textes qui tiennent le spectateur sur le fil du rasoir, un équilibre délicat entre les mots et les silences, les avancées et les reculs, les assurances et les doutes, les moments de tension charnelle et les sourires qui détendent l’atmosphère. Le texte est servi par Caroline Aïn, toute en assurance fragile, par Aurélien Mallard, lui c’est le doute maladroit. Dans une mise en scène sobre de Gaspard Legendre, chaque geste est justifié, chaque élément du décor son utilité. Il y a ce qu’il faut, tout ce qu’il faut, rien que ce qu’il faut.

Les plus de trente ans apprécieront la pièce, ils y retrouveront ce qu’ils vivent, ont vécu. Comme l’apprécieront tous ceux qui aiment analyser les rapports humains, comprendre comment ils fonctionnent. C’est sans doute aussi un support pour les spécialistes de l’analyse transactionnelle et des théories dérivées, et un exutoire pour les adeptes des applications de rencontre (là où on sait ce que les gens veulent mais pas ce qu’ils pensent, alors que dans une soirée, un bar, on sait ce qu’ils pensent, pas ce qu’ils veulent).

Au Studio Hébertot jusqu’au 29 décembre 2019
Jeudi : 19h00 – vendredi-samedi : 21h00 – dimanche : 15h00

Texte : David Eldridge / traductologie (?) : Cécile Dudouyt
Avec : Caroline Aïn, Aurélien Mallard
Mise en scène : Gaspard Legendre

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