Un spectacle à savourer, qui raconte de façon passionnante la vie de Galilée, pour ce dont on se souvient… et pour ce qu’il a laissé qui s’applique encore aujourd’hui.
Nous connaissons tous Galilée, du moins sa citation la plus fameuse, « Et pourtant elle tourne » dont la légende veut qu’il l’a marmonnée juste après son abjuration. Qu’a-t-il vraiment abjuré ? Qu’a-t-il vécu ? C’est tout le propos de Galilée le mécano de faire revivre Galilée devant nous, de nous faire découvrir la vie tumultueuse de cet homme aussi peu connu qu’il est célèbre, de nous faire prendre conscience que ce pour quoi il est connu n’est pas la chose fondamentale qu’il a laissée à des générations de scientifiques.
Première vision, la scène, un dispositif scénique épuré, un cercle de lumières. Jean Alibert nous accueille devant la scène, crée une dynamique commune entre tous les spectateurs… avant de remettre en place le quatrième mur et de commencer à raconter.
C’est un formidable conteur, une voix, des gestes, une posture. Une capacité à aller chercher l’écoute, à conserver l’attention même quand le texte entre dans les détails de la technique. A illustrer son propos au moyen d’anecdotes savoureuses, actuelles ou historiques (peut-on mourir dans la nuit du 4 au 15 octobre 1582 ?). Il a le talent de nous faire voir les choses qui ne sont pas là.
Jean Alibert nous raconte la vie de Galilée. Sa jeunesse, ses parents qui voulaient qu’ils soient médecin. Pour comprendre Galilée, il faut comprendre son époque, on visite l’université, comment le savoir des grecs nous est arrivés par l’intermédiaire des arabes. On parle calendrier, égyptien, julien, grégorien. De l’aspect rassurant d’un monde où rien ne change. De l’église catholique, qui brule les hérétiques qui voudraient remettre en cause le dogme.
On oublie la cosmologie de Platon et ses triangles, on part des sphères d’Aristote, de Ptolémée. On arrive à Copernic, de la structure de De Revolutionibus, autorisé parce qu’incompréhensible, un chapitre héliocentrique, quatre chapitres pour les horoscopes. Les horoscopes, principal revenu des savants de l’époque.
On suit Galilée, l’invention de la lunette, l’université de Padoue, l’université de Florence, le dialogue à Rome avec Urbain VIII. Galilée l’inventeur génial, Galilée l’astronome intéressé, la vie intime de Galilée, qui fera épouser par son assistant la femme avec qui il aura passé dix-huit ans et à qui il aura fait trois enfants.
Et après ? l’abjuration, dans des conditions étranges. Et les années de vieillesse de Galilée, quand il définit les bases de la méthode scientifique, doute, hypothèse, vérification expérimentale, la méthode qui est encore utilisée de nos jours.

(c) Pascal Gély
Un spectacle historico-scientifique tourné vers le passé ? Un spectacle ancré dans l’actualité, aussi. Nous ne parlons plus de savoir qui tourne autour de qui, l’actualité bruisse de l’évocation de groupes, parfois armés, qui refusent que le contenu d’un livre soit remis en cause, qui refusent que tel progrès maintenant permis par la science soit interdit à telle partie de la population dont le comportement, dans l’intimité de leur chambre, est contraire à leur invariant moral.
J’ai beaucoup aimé ce spectacle, j’ai apprécié le jeu de Jean Alibert, la mise en scène de Gloria Paradis. La scénographie dépouillée de Laurent Berger, qui donne une grande liberté de jeu, qui permet tellement de choses.
Pourquoi « le mécano » ? Vous le découvrirez au cours du spectacle. Et ne verrez plus jamais pareil un lustre dans une église.
Un spectacle qui raconte une histoire, qui s’ancre dans le temps présent. Je vous le recommande.
Avignon – Reine Blanche
Du 6 au 26 juillet 2019 – 19h00
Texte : Marco Paolini – Francesco Niccolini
Avec : Jean Alibert
Mise en scène : Gloria Paris