Arrivé dubitatif à la Folie Théâtre pour cette représentation de l’Ingénu, j’en suis reparti convaincu et séduit, oui, on peut faire d’un roman philosophique une pièce de théâtre passionnante.
De mes années d’études me restait le souvenir que l’Ingénu de Voltaire était un roman assez long, et, pour tout dire quand on en parcourt mot à mot un chapitre, un peu chiant. Pourtant, quand Baroudeur m’a rapporté le flyer pétillant, j’ai immédiatement eu envie d’aller voir la pièce, sans doute la force de l’illustration.
Thomas Willaime tient sur scène la promesse de l’image du flyer : il prend l’attention et la lumière dès son entrée sur scène, et ne les relâche pas un instant. Au fil des moments, il sera acteur, danseur, mime, musicien. Une mimique, une posture, une intention, il est l’Ingénu, il est mademoiselle de Kerkabon, il est le Bailli, il dialogue avec lui même sur un rythme décoiffant et millimétré, j’ai ressenti l’émotion à chaque instant de la vie du Huron.
Le texte de Voltaire est là. Adapté, forcément, gardant les idées de fond. On est bien en Basse Bretagne, l’abbé de Kerkabon et sa sœur voient avec surprise débarquer un Huron venu du Canada, qui dit ce qu’il pense et fait ce qu’il veut, qu’ils nomment aussitôt l’Ingénu. Qui séduit mademoiselle de Saint Yves au grand dam des coutumes de la société Bas Bretonne, se voit « converti », prend la bible au pied de la lettre, est bapstisé Hercule, combat avec succès les anglais, part pour Paris réclamer sa récompense, croise des protestants en fuite. Il est embastillé, mademoiselle de Saint Yves part pour Paris, obtient (je vous laisse découvrir par quel moyen si vous avez oublié de lire tous les chapitres quand vous étiez en terminale) la liberté de l’Ingénu, puis…
Tous ces moments mis en scène par Jean-Christophe Barbaud sont donnés, interprétés avec une énergie et une conviction entrainantes, chacun touche le coeur du public, sur un rythme alerte et haletant. Le tout en gardant le regard de Voltaire sur la situation politico-religieuse de son époque, l’édit de Nantes vient d’être révoqué, les protestants fuient la France.
Forcément, quand l’esprit libre du Huron découvre le texte du nouveau testament, le confronte à la réalité des coutumes de l’époque, les moments sont savoureux.
Pendant que la pièce se déroulait, j’imaginais un dessinateur capable d’en croquer chaque instant à main levée, qui en tirerait une bande dessinée, chaque case était là, non seulement le crayonné, mais aussi l’encrage, mais aussi les couleurs, l’enthousiasme au fond de moi feuilletait autant une BD qu’il assistait à une représentation.
La salle, presque pleine, touchée, ne s’y est pas trompée, qui a applaudi longuement et chaleureusement à la fin de la pièce. Les yeux de Baroudeur pétillaient, qui ont adoré ce spectacle.
A La Folie Théâtre – jusqu’au 2 décembre 2017 – vendredi et samedi : 19h30