Julie Duchaussoy a pris le parti, pour la mise en scène du Roi se meurt, d’un roi jeune, encore en pleine forme, ça donne une version énergique, dynamique de la pièce, quand la mort frappe un homme, un univers, qui devraient encore avoir la vie devant lui, et dont l’univers va se glacer, se lézarder, s’effondrer en 90 minutes.
Le Roi se meurt, l’histoire d’un roi qui fait le deuil de lui même, ou l’histoire de chacun de nous face à la mort, quand nous mourrons est-ce que notre univers meurt avec nous, je n’ai jamais vraiment su. Juste partagé le deuil du Roi, son déni, sa colère, et puis l’acceptation. Vécu l’affrontement entre la reine Marguerite, la raison, et la reine Marie, la passion. Le Roi se meurt, c’est la vie, c’est comme ça.
J’ai, forcément, en mémoire la vision d’un roi de 90 ans en fin de vie, dont la mort, au fond, est normale, pathologique, attendue, dont j’observais le deuil comme un entomologiste.
Béranger 1er, tel que le donne la compagnie Jean Balcon, a 30/35 ans (?), il est dans la force de la vie, sa révolte est normale, la sagesse froide de la reine Marguerite en devient presque troublante, la passion de la reine Marie plus compréhensible, j’ai partagé son deuil. Je ne regardais plus la performance des acteurs, je partageais leur empathie.
Dans la mise en scène, les lumières, la musique, j’ai retrouvé des échos de Twin Peaks (on a les références qu’on peut, mais la série de David Lynch est dans mes grandes références), je les ai savourées.
Un peu comme quand j’avais vu Les Justes en juin 2016, je ne peux m’empêcher de mettre ce parti pris en regard de l’actualité des derniers mois, notre monde a changé, notre monde s’est lézardé, des vies trop jeunes ont été prises, c’est peut-être de la psychologie de bazar, c’est simplement mon ressenti, la représentation d’hier m’a ému plus que je ne m’y attendais, je l’ai vécue avec mon cœur, avec mes tripes.
Et puis j’ai retourné le flyer. « Nous sommes la compagnie Jean Balcon, nous avons trente ans, notre royaume s’effondre, et nous avons bien l’intention de nous battre ». J’ai envie de leur dire deux fois Bravo. Bravo pour leur intention de se battre, Bravo pour la façon de se battre.
Vous voulez vous battre avec eux, vous voulez les soutenir ? Donnez-leur deux heures de votre temps.
Baroudeur était là, malgré les « tu es sûr, pour du Ionesco il est bien petit ». Il a échangé avec Karen Curel (le Garde), Julie Duchaussoy (Metteuse en scène), il est le plus jeune spectateur de la pièce. Il a suivi, et ce matin, il est triste que le roi soit mort.
Ciné XIII Théâtre jusqu’au 19 mars. mercredi & vendredi 21h00; jeudi & samedi 19h00; dimanche 16h00