Putain de belle pièce, et putain d’actrice. Pourtant j’en ai vues, mais des comme ça, jamais. Karine Ventalon m’a chopé par les tripes dès son entrée en scène, sans même prononcer un mot, et ne m’a pas laché avant que n’éclatent les salves d’applaudissement, elle aurait mérité qu’elles continuent.
Mise en scène par William Malatrat, Karine Ventalon donne une Célestine différente de celles que j’avais pu voir. On n’est pas dans la manichéisme de la pauvre jeune fille exploitée par une classe possédante. Sa Célestine est délurée, elle a découvert qu’elle aime le sexe, et le pouvoir que cela lui donne. Les hommes abusent de sa Célestine, sa Célestine use des hommes, elle est manipulatrice, avec un zeste de perversité.
Il y a le parti pris de la pièce, et puis le jeu de Karine Ventalon.
Dans la petite salle de La Folie Théâtre, à deux mètres des spectateurs du premier rang, Karine Ventalon se met en danger, ose, s’expose. Elle multiplie les impersonations, les mimiques, les postures et les voix. Célestine est délurée, son jeu cru et sensuel la montre ainsi, le spectateur ressent plus qu’il ne comprend comment les hommes qui croisaient cette Célestine impitoyable n’avaient, au fond, aucune chance, si eux croyaient jouer un jeu, elle maîtrisait ce jeu. Si les mots couverts évoquent, le jeu montre sans équivoque, les actes sont mimés sans ambiguïté, appuyés sur une valise essentielle, la malle qui contient sa vie, la malle qu’elle est prête à faire à tout instant.
Le jeu et la mise en scène explorent un registre que j’ai rarement vu exposé, surfant sur la limite de la sensualité, sans franchir celles de l’érotisme ou du mauvais goût, un grand bravo pour avoir osé, un double bravo pour l’avoir fait, un triple bravo pour avoir réussi.
J’ai passé un excellent moment, la salle aussi, qui a applaudi à tout rompre dès le noir revenu.
La pièce se donne jusqu’à début mars, si vous n’avez pas une pudeur de chaisière, allez la voir. Si vous en avez une aussi, d’ailleurs.