Les Petits Chevaux – La Reine Blanche : l’histoire glaçante et émouvante d’une enfant des Lebensborn à la recherche ses origines

Les Petits Chevaux à La Reine Blanche : glaçante autant qu’émouvante, la quête d’Hortense, une enfant née dans un Lebensborn, à la recherche de ses origines. Une histoire documentée, un spectacle collectif, fin et intelligent, aussi beau que bouleversant, un spectacle nécessaire.

Sur la scène, des cartons de tailles variées. On entend des interviews qui se chevauchent, surtout en allemand, surtout des voix âgées. Florence Cabaret, Séverine Cojannot, Nadine Darmon et Samuel Debure entrent en scène. Cette histoire commence au début des années 2.000. Cette histoire commence à la fin de la deuxième guerre mondiale… Famille ? Tout dépend de ce qu’on met derrière ce mot.

Violette va s’installer dans la maison de sa grand mère récemment décédée. Avec Hortense, sa mère, elles s’attellent à vider la maison. Elles remplissent des cartons, en ouvrent d’autres. Trouvent une photo, une carte postale, une lettre. Tu nous a choisis en 1947. Violette découvre qu’Hortense a été adoptée en 1947, elle avait 3 ans, sa mère était morte à sa naissance. Plus tard, elle apprend que quand Hortense avant 10 ans, sa mère est venue dans leur école. Violette écrit à toutes les administrations possible. Elle reçoit une première réponse. Hortense serait née dans un Lebensborn, elle serait passée par Dachau.

En 1935, Himmler crée les Lebensborn pour s’occuper des enfants des filles mères, puis incite les couples aryens à confier leurs enfants, dans l’idée d’accélérer le développement d’une race aryenne pure, d’en créer le squelette administratif. Son objectif n’est pas d’engendrer une masse de guerriers, mais de sélectionner les meilleurs, de les élever dans un cadre collectif, sans références familiales, les déshumaniser de façon à ce que leur seule référence soit le régime. Plus tard, les SS seront invités à venir y concevoir des enfants. Des enfants nés dans l’anonymat pour être endoctrinés. D’abord en Allemagne, puis, pendant la guerre, dans les pays occupés : Norvège, Danemark, Autriche, Pologne… 200 000 enfants seraient nés dans les Lebensborn.

Les Lebensborn, c’est la vision à long terme de la politique de sélection raciale des nazis. La constitution d’une élite pure qui tiendra le pouvoir une fois les juifs, les homosexuels, les gitans, les « races impures » éliminés dans les camps. Leur existence a longtemps été couverte par le silence, seuls une poignée d’historiens s’y intéressaient, jusqu’à ce que les archives s’ouvrent. Un Lebensborn a fonctionné en France, à Lamorlaye, de février à août 1944, vingt enfants y sont nés.

Remonter l’histoire d’Hortense, c’est explorer l’univers des Lebensborn. Croiser Fernand, lui aussi était à Lamorlaye, il n’a pas été adopté. Remonter l’histoire d’Hortense, c’est retrouver les traces de Klaus, son père, d’Angélique, sa mère. Une fois trouvées les réponses, il faut vivre avec.

Le texte des Petits Chevaux est écrit par Séverine Cojannot, Camille Laplanche, Jeanne Signé et Matthieu Niango, dont la mère était née dans un Lebensborn. Si les détails relèvent de la fiction, la pièce est historiquement exacte, tous les faits évoqués sont le résultat de recherches documentaires et d’interviews.

Au delà de la qualité du texte et de l’interprétation, Les Petits Chevaux est un spectacle émouvant, touchant et glaçant. Glaçants, l’existence des Lebensborn, la logique implacable et déshumanisée qui a conduit à leur création. Touchante, l’histoire de Klaus et d’Angélique, ni l’un ni l’autre vraiment innocent, tous les deux emportés dans le tourbillon de la guerre. Émouvante, l’histoire de Violette et Hortense, leur besoin de savoir, leur peur de ce qu’elles vont découvrir, le grand huit émotionnel sur lequel elles refont un tour à chaque nouvelle découverte, à chaque nouvelle rencontre.

Pourquoi ce titre Les Petits Chevaux ? En assistant à la représentation, la réponse sera évidente.

Les Petits Chevaux est de ces pièces dont on ne sort pas indemne. On a visité un pan peu connu de l’Histoire, une face noire de l’humanité. On a visité les peurs, la façon dont le secret marque les âmes et les corps. Il y a les questions qui ont trouvé réponse, et les autres, tous ces pourquoi qui restent en suspens, qui vous laissent face à un grand vide.

Les Petits Chevaux est une belle pièce, un texte fin et intelligent, précis, servi avec émotion et talent. C’est un travail de mémoire nécessaire, qui vous marquera. Vous aurez la nausée en explorant l’univers des Lebensborn. Vous sourirez en découvrant l’histoire de Klaus et Angélique. Vous vibrerez au rythme des avancées d’Hortense et Violette. Vous sortirez pleins de la force de leurs vies. On porte nos parents dans nos corps.

A La Reine Blanche jusqu’au 09/03/24
Mardi, jeudi : 19h00; samedi : 18h00; 29/02-01/03-07/03-08/03 : 14h30
Durée : 1h25

Texte : Séverine Cojannot, Camille Laplanche, Matthieu Niango, Jeanne Signé
Avec : Florence Cabaret, Séverine Cojannot, Nadine Darmon, Samuel Debure
Mise en scène : Jeanne Signé
Compagnie : pARTage

Visuel : Bundesarchiv, Bild 146-1973-010-11 / CC-BY-SA 3.0 DE – colors by Compagnie pARTage

Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com

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