
Une vampire au soleil à La Manufacture : une vampire se livre, s’expose. Un coup de cœur pour ce très beau conte porté par Marik Renner et Marien Tillet, dont on tire une leçon de vie. Un spectacle sombre à ne pas rater. Merci, et bravo.
Sur la scène, sur un banc, un homme à la peau grise joue de la guitare. On distingue quelques mots de la chanson. Je te bouffe. Dans l’ombre, au fond, deux colonnes, une fente. Une femme est debout. Un long manteau, des oreilles de lapin rose. Les mains grises, nouées. Elle enlève des dents de vampire en plastique. Je suis celle qui ne se souvient plus, qui ne veut plus de toi…
C’est une vampire. Elle se raconte, malgré sa mémoire qui fuit. Sa fascination pour le soleil, quand elle était petite, sa chambre d’enfant, lumineuse, au second étage d’une maison. Les ombres, aussi. La rencontre, le choix, par amour, d’offrir son sang. Sa vie de vampire, la nuit.
Ce n’est pas si simple. Le spectateur se retrouve petit à petit dans un temps suspendu. La vérité est cachée, elle est nourrie. La révéler, c’est se bruler. Ne pas le faire, c’est vivre dans une ombre perpétuelle, subir encore, subir toujours.
Une vampire au soleil est le nouveau projet présenté par le Cri de l’Armoire. Un conte, dans un univers sombre, une musique prégnante jouée au plateau. Marik Renner est la vampire qui se lève dans ce temps intemporel. Habitée par le projet, par le personnage, presque immobile, elle vient serrer le cœur et les tripes du spectateur, semer les indices qui à la fin construisent une vérité qui était là depuis le début. Un très beau jeu, soutenu par la musique de Marien Tillet, magicien des mots, de la guitare et du looper. Une belle actrice, talentueuse, dans cet univers à la croisée des chemins d’Haruki Murakami et de Jim Morrison. Sur une scénographie et des lumières de Samuel Poncet.
Une Vampire au Soleil laisse une grande place à l’interprétation du spectateur. Dans un conte, c’est le spectateur qui comprend la leçon du conte, ce n’est pas une fable, il n’y a pas de morale. Vous donner la mienne, c’est raconter la fin du spectacle. Allez la recevoir par surprise, la prendre dans la figure comme une révélation. En tirer la leçon, pour vous, pour vos proches. Je vous dirai juste qu’au moment où les lumières sont revenues, j’avais la gorge nouée, les yeux humides, et les poils des bras dressés. Quelque chose qui se produit rarement. J’avais envie de dire Merci tout autant que Bravo.
Allez voir Une Vampire au Soleil. Laissez-vous un temps de décantation après la représentation. C’est préférable.
Ah… si vous êtes de la Team encaisse et ferme là, le temps vous semblera long. Allez-y quand même, il y a une petite chance que le message vous touche, vous n’êtes peut-être pas incurable.
Avignon 2023 : La Manufacture – 21h20
Durée : 1h15
Texte et musique : Marien Tillet – coécriture : Marik Renner
Avec : Marien Tillet, Marik Renner
Mise en scène : Marien Tillet
Visuel : JO
Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com
8 réflexions sur “Une vampire au soleil – Avignon 2023 : La Manufacture : 21h20 – Une vampire s’expose, dans un temps suspendue. Allez vous laisser surprendre.”