Eurydice – Poche Montparnasse ->15/07/23 : quelle bonne idée d’avoir monté cette pièce de Jean Anouilh – Coup de cœur

Eurydice au Poche Montparnasse : un texte poétique de Jean Anouilh, une mise en scène enlevée d’Emmanuel Gaury, une belle distribution. Le mythe d’Orphée vu par les yeux d’Eurydice. Un beau moment de théâtre, un propos engagé contre le paternalisme. A voir.

Sur la scène, un tas de valises, une table de bar, deux chaises. Orphée joue du violon devant son père assis. Fiston… Papa ? Tu n’as tout de même pas l’intention de demander à ton père de faire la quête dans un buffet de gare ?

Dans cette gare, il y a Orphée, violoniste inspiré, qui accompagne son père, harpiste raté qui n’a d’autre intérêt dans la vie que la nourriture. Et Eurydice, une jeune comédienne dans une troupe en tournée, dont sa mère est la diva en titre. Orphée et Eurydice se croisent, se rencontrent. Leurs avenirs sont tracés, Orphée doit jouer pour nourrir son père, Eurydice se soumettre aux désirs des hommes, comme l’a fait sa mère. Ils s’aiment, foudroyés. Ils laissent leurs vies complaisantes prendre leurs trains. Voilà qu’apparait Monsieur Henri, glaçant voyageur de commerce. Le passé d’Eurydice se révèle, les amoureux se disputent, Eurydice part. Meurt, un accident de la circulation. Monsieur Henri négocie avec la mort, qui permet à Orphée de retrouver Eurydice, sous condition de ne la regarder avant le matin. Eurydice est face à son passé, aux hommes qui ont abusé d’elle. Orphée face à sa jalousie, face à la peur. Ses mains possèdent le corps d’Eurydice. Il finit par poser son regard sur elle. Eurydice n’a pu rejoindre Orphée dans la vie, Monsieur Henri propose à Orphée de la rejoindre dans la mort.

On a un peu oublié Jean Anouilh, et c’est dommage. Emmanuel Gaury signe une belle mise en scène, qui va à l’os du texte d’Eurydice, enlevée et poétique, rondement menée par une distribution homogène et convaincante. Bérénice Boccara est une Eurydice touchante et décidée, Corinne Zarzavatdjian évoque les grandes années d’Alice Sapritch, et Jérôme Godgrand est confondant en représentant cabot d’un paternalisme dépassé.

Je me suis laissé embarquer, du début à la fin, sensible à sa poésie tout autant que réceptif à la volonté d’Eurydice d’exister, d’assumer sa liberté, de choisir ses causes. Une liberté qui fait peur à Orphée, il a besoin de réassurance, c’est au fond dans la contrainte qu’il préfèrerait tracer sa route, qu’il soit sous la contrainte de son père… ou qu’Eurydice soit sous la sienne.

Au delà du beau moment de théâtre, Eurydice est un belle leçon de vie. Une invitation à regarder le mythe d’Orphée de son point de vue à elle. A se souvenir que le regard de l’homme tue parfois les femmes.

Au Théâtre Poche Montparnasse jusqu’au 15/07/23
Du mardi au samedi : 19h00 – dimanche : 17h30
Durée : 1h15

Texte : Jean Anouilh
Avec : Bérénice Boccara – Gaspard Cuillé ou Emmanuel Gaury – Benjamin Romieux – Corinne Zarzavatdjian – Patrick Bethbeder – Maxime Bentégeat ou Victor O’Byrne – Jérôme Godgrand
Mise en scène : Emmanuel Gaury

Visuel :

Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com. Elle a été reprise sur CulturAdvisor

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