L’étranger de Camus – La Folie Théâtre – Vincent Barraud défend avec talent un Meursault intemporel

L’Étranger à La Folie Théâtre : Vincent Barraud adapte le texte intemporel d’Albert Camus en donnant vie à Meursault autant qu’aux autres personnages du roman. Un parti pris intéressant, défendu avec talent, qu’on verra avec plaisir.

Sur la scène, une chaise en bois, noir. Une bouteille en verre. Meursault est debout. Aujourd’hui, Maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas…

Aujourd’hui, Maman est morte. Quelques mots simples, comme Longtemps, je me suis levé de bonne heure. Quelques mots simples qu’on reconnaît immédiatement, qui vous plongent instantanément dans leur univers, qui ouvrent des livres intemporels qu’on a tous lu (ou pas), dont on a tous une image en tête. Dans la mienne, L’Étranger se met en parallèle d’A Bout de Souffle.

Vincent Barraud a eu le courage d’adapter l’Étranger pour la scène. Écrit à la première personne, des phrases courtes, le texte s’y prête. Tout y est. Le télégramme, l’enterrement de la mère, la journée avec Marie, la promenade sur la plage. Voilà Raymond Sintès, tout s’enchaîne. La lettre, les coups, la promenade sur la plage, les coups de pistolet, la mort de l’arabe. Le procès, l’attente, l’aumônier. La colère contre l’aumônier, le soulagement de la dernière nuit.

Il donne un Meursault dégingandé, détaché. Un Meursault qui existe, qui vit. Un Meursault qui a le temps, dont on touche la distance au monde. Il prend le parti de donner vie également aux autres personnages, le directeur de l’hospice, le concierge… le procureur, l’avocat… l’aumônier. Il a le talent pour le faire, c’est un homme caoutchouc, sa posture, son visage et ses yeux posent un personnage dans la seconde. En leur donnant vie, il leur donne une intention. Ce n’est plus Meursault qui cite froidement le directeur, le concierge, le procureur, ce sont le directeur petites gens, le concierge obséquieux, le procureur pompeux qui s’expriment. En devenant humains, ils perdent leur aspect Armée des Défenseurs du Vrai Conformisme qui viennent tous ensemble et chacun à leur tour marteler leur argument : Meursault n’a pas pleuré sa mère, il est anti-conformiste, il est coupable.

Vincent Barraud défend son Meursault avec talent. Il le donne dans la petite salle intimiste de la Folie Théâtre, où rien ne sépare l’acteur du spectateur. Dans cette proximité, il ne joue pas pour une salle, il joue pour chacun des spectateurs. Un Meursault moins désincarné, plus sensible que celui de mon souvenir ? Plus réel, moins porteur d’un non-conformiste qui ignore en les mettant dans le même sac conformistes et anticonformistes ? Je relirai le livre, avec son point de vue, et la mémoire de sa très belle colère contre l’aumônier.

Un texte intemporel un parti pris intéressant, défendu avec talent, dont le spectateur sort en poursuivant sa réflexion. On verra l’Étranger de Vincent Barraud avec plaisir.

A La Folie Théâtre jusqu’au 03/06/23
Vendredi, samedi : 19h30
Durée : 1h20

Texte : Albert Camus adapté par Vincent Barraud
Avec : Vincent Barraud
Mise en scène : Vincent Barraud

Visuel : Gallimard

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