Hedda

Hedda, une pièce multiple. Il y l’histoire d’un couple dans lequel la violence s’installe. Il y a une réflexion sur la nature du souvenir, sur le doute. Sur l’équilibre qui s’installe et qu’un détail va perturber.

(c) Pauline Le Goff

Sur la scène, un appartement vide, banal. Papier peint défraîchi aux murs. Une chaise, une porte vers la salle de bains. Hedda est là, assise par terre, la tête dans les genoux.

L’histoire commence comme toutes les histoires, par un hasard, va à cette soirée, deux personnes se remarquent, se parlent, se rencontrent. Se revoient, habitent ensemble, ont un enfant. Il est la figure forte, elle est la figure maternelle. Jusqu’à une soirée, le lancement d’un livre, elle est éditrice, il est venu, c’est un succès, elle est la figure forte, l’histoire bascule. Le premier coup, les humiliations, le premier départ, l’éclaircie. Les coups et les humiliations suivants. Jusqu’à la fin.

Le texte est écrit à la troisième personne, dit par une narratrice, qui raconte, laisse parfois s’exprimer les personnages, mais qui raconte les choses. Elle raconte une vie banale, ordinaire, presque ennuyeuse. Elle rentre dans les détails, construit des images, précise immédiatement que c’est un angle de vue, d’autres ont vu le même moment sous un autre angle. Certains faits sont avérés, pas tous. Un souvenir, mais la raison fait le tri dans les souvenirs. De longues phrases qui construisent des instantanés. Il amène un virage, avant la fin, la narratrice interpelle les spectateurs, où étiez-vous ? comment avez-vous laissé faire ?

Le texte va bien au delà de l’histoire d’un homme qui bat sa femme, de l’histoire d’une femme brillante qui est restée. Il parle de rapports humains, de cet équilibre qui se met en place quand un homme et une femme se rencontrent, qui tient dans un rapport de forces à ce moment là positives. Une petite variation extérieure, l’orientation de ces forces change, elles sont toujours là, maintiennent un déséquilibre stable. Il parle de la raison, qui fait qu’on ne se souvient que de certains détails. Il en faut, des détails, pour créer la banalité, pour faire vivre le doute.

Avec quelques hésitations, Lena Paugam porte ce texte compliqué, avec ses phrases longues pleines de petits détails. Elle réussit à prendre l’attention du spectateur, la laisse filer, va la rechercher. Elle joue de sa voix, très musicale, de son corps. Elle en joue bien, sert le texte avec passion.

J’ai apprécié la mise en scène, ciselée et précise. J’ai été très sensible à l’ambiance créée par la lumière, par la musique, toutes les deux essentielles.

Si vous cherchez dans Hedda la dénonciation de la violence faite aux femmes, vous la trouverez, mais vous passerez à côté de la pièce, il y a beaucoup plus que ça. Un peu comme un film de Godard, qu’on voit pour l’histoire, dont on sort avec une réflexion beaucoup plus large sur la difficulté de communiquer, sur la divergence de la mémoire, sur le doute, sur la facilité de se cacher derrière le doute pour ne pas voir.

La salle a longuement applaudi, crié quelques bravos. Je suis sorti, j’avais besoin de parler pour dénouer ma gorge, d’une pinte de bière pour décanter. Ce matin, je regrette de ne pas avoir acheté le texte, pour le relire. Il y a vraiment beaucoup de choses, dans ce texte. Il n’est pas facile, je crois que je vais aller le revoir.

Au théâtre de Belleville jusqu’au 29 mars 2020
Janvier : Mercredi 19h00 / Jeudi-Vendredi 21h25 / Samedi 19h30 / Dimanche 15h00
Février-Mars : Mercredi-Jeudi-Vendredi-Samedi : 19h00 / Dimanche 15h00

Mise en scène et interprétation : Lena Paugam
Dramaturgie : Sigrid Carré Lecoindre, Lucas Lelièvre, Lena Paugam
Création sonore : Lucas Lelièvre
Chorégraphie : Bastien Lefèvre
Scénographie : Juliette Azémar
Création Lumières : Jennifer Montesantos

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