
Bâtards à l’Atalante : sur la base d’une histoire d’amour classique qui prend fin, Louise Dupuis construit la vision d’un rêve féministe extrême. Du théâtre du réel, un texte bien fait, bien servi, qui fait rire le spectateur et l’incite à la réflexion.
Sur la scène, deux pupitres. Au fond de la scène, un rouleau d’herbe synthétique. Voilà Julien, puis Louise. Tee shirts verts jaunes fluos, short et pantashort gris, chaussures de marche. On sent la gêne entre eux. Bonjour. Je dois vous dire qu’il y a eu des petits changements dans le spectacle et dans notre vie.
Ce soir devait se dérouler la première d’une pièce écrite par Louise pour raconter la rencontre de Louise et Julien, sur le chemin de Compostelle. Pendant les répétitions, Louise a rencontré Ariel, une jeune femme. Nous allons donc assister à l’histoire de ces répétitions, l’histoire d’une pièce qui n’arrive pas à se créer pendant que ses créateurs se séparent. Une histoire avec une histoire dans l’histoire. Des poupées russes en quelque sorte. Il y a Louise-Julien-Thomas les personnages et Louise-Julien-Thomas les acteurs qui sortent des personnages pour exprimer une émotion, prendre une position.
Au premier niveau… le texte de Louise Dupuis est un délire sympathique sur une histoire d’amour qui tourne mal. Une histoire assez classique, ils se sont connus dans un cadre inhabituel qui les a rapprochés, quand ils sont revenus dans un monde normal, les différences sociales, morales… ne leur ont pas permis de franchir le cap des sept ans. Une histoire qui se répète, entre Louise et Ariel, à nouveau un cadre inhabituel, à nouveau une grande différence sociale. On y trouve de l’humour à deux balles, du rire spontané, des moments torrides, des envolées qui permettent à chacun, personnage ou acteur d’exprimer son point de vue.
Au deuxième niveau… si l’homme blanc cisgenre hétéro peut s’exprimer à a sa guise, c’est d’une façon caricatural, pour que le spectateur adhère au point de vue de Louise Dupuis : c’est un patriarcat dépassé, l’avenir est féministe, féminin, voire sans hommes, quand les filles pourront naître du mélange de l’ADN de leurs deux mères. On finit dans un féminisme extrémiste, presque mécanique, dont les hommes et leur regard sont exclus, dont on se demande s’il comporte encore une part de romantisme. En actant au passage le glissement d’une révolution populaire appuyée sur l’éducation culturelle à une révolution bobo facilité par les avancées, y compris financières, de la génération précédente, celle à qui la génération suivante ne pardonnera pas, là aussi l’histoire se répète, Jacques Brel l’a fort bien chanté.
Sur scène, Lucile Oza, Lise Lomi, Louise Dupuis, Thomas Gourdy et Julien Storini servent efficacement ce travail de troupe.
Le rire est une discipline difficile, plus difficile que l’outrance. Louise Dupuis est douée, elle maîtrise les deux. J’ai ri franchement, spontanément, avec plaisir. Tout est une question d’équilibre, et chacun a sa perception. Son point de vue s’entend, elle l’exprime avec outrance, provocant ainsi la réaction et la réflexion du spectateur.
Au Nouveau Théâtre de l’Atalante jusqu’au 24/11/23
22-23-24/11/23 : 19h00
Durée : 1h20
Texte : Louise Dupuis
Avec : Lucile Oza, Lise Lomi, Louise Dupuis, Thomas Gourdy, Julien Storini
Mise en scène : Louise Dupuis
Visuel : DR
Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com
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