Misericordia d’Emma Dante au Rond Point : très beau, et profondément émouvant

Misericordia au Rond Point : Emma Dante raconte l’histoire de trois femmes qui n’ont rien, qui ont accueilli l’enfant de leur amie morte sous les coups, qui s’en occupent, pleines d’amour et de dignité. C’est violent, c’est très beau, et profondément émouvant.

Au fond de la scène, quatre chaises pliantes, en bois. A leurs pieds, on aperçoit un bric à brac, jouets d’enfants, chien à bascule, coiffe d’indien, chaussures à talon. Une valise, aussi. Trois femmes sont assises, qui tricotent en rythme. Un homme aussi, qui bascule d’avant en arrière. Les femmes se disputent, un borborygme. Avancent à l’avant de la scène. On croirait entendre La Linea. Arturo, viens.

Anna, Nuzza, Bettina. Trois femmes qui s’occupent d’un enfant qui n’est pas le leur, comme si c’était le leur. Parce que sa mère était des leurs, qu’elle l’a mis au monde sous les coups du père, y a laissé la vie. On l’apprendra plus tard. Et l’état de l’enfant. Pour l’instant, elles se disputent, Nuzza a jeté une robe à la poubelle, que Bettina a récupérée, elle l’a mise à Arturo comme un vêtement d’intérieur, pour économiser ses habits. La dispute dérive, qui doit payer quoi ?

Anna, Nuzza, Bettina. Elles n’ont pas d’argent, elles ont de l’amour. Elles s’occupent d’Arturo, l’élèvent, savent qu’il faut plus compétent qu’elles. Elles se saignent à nouveau.

Dans Misericordia, il y a d’abord de l’amour, et de la dignité. Amour pour Arturo, adopté, inadapté, fragile. Amour pour sa mère, leur amie, qui a donné son dernier souffle pour lui. Amour entre elles, elles ne le reconnaitraient certainement pas. Dignité, quand il faut trouver les ressources pour l’élever, conserver ses reliques. Le saluer, quand il prend son envol. Dignité des gens qui n’ont rien, et qui donnent tout.

Le spectacle d’Emma Dante est au croisement du théâtre, de l’opéra, de la danse. Un théâtre peu parlé, un opéra pas chanté, un ballet sans musique. C’est un concentré d’émotions, sans filtre. C’est beau. Violent et beau. Sans le dire, on comprend comment Anna, Nuzza et Bettina gagnent leur vie, dans quel environnement elles vivent. Elles vendent leurs corps, vivent au milieu des déchets. A travers la danse de Simone Zambelli, on voit Arturo exister dans leur monde, y jouer. Le jeu de Italia Carroccio, Manuela Lo Sicco et Leonarda Saffi raconte l’ilot de propreté qu’elles y ont créé pour lui.

C’est très beau, et profondément émouvant.

Au théâtre du Rond Point jusqu’au 15/10/23
Du mercredi au vendredi : 20h30; samedi : 19h30; dimanche : 15h00
Durée : 1h00

Texte : Emma Dante
Avec : Italia Carroccio, Manuela Lo Sicco, Leonarda Saffi, Simone Zambelli
Mise en scène : Emma Dante

Visuel : Masiar Pasquali

Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com

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