Andromaque – Tréteaux de France – Pavillon Villette

Andromaque – Pavillon Villette : ne boudez pas votre plaisir, savourez le parti pris naturel et contrasté des Tréteaux de France et de Robin Renucci pour revenir à l’essentiel subversif d’Andromaque

Sur la scène, un tapis circulaire de couleurs fauves. Le dispositif est quadri-frontal, aux quatre coins les acteurs sont là, encore masqués, pour une mise en situation. Ils sortent, voilà Pylade, puis Oreste. Oui, puisque je retrouve un ami si fidèle, Ma fortune va prendre une face nouvelle…

Avec Andromaque, Racine a signé une de ses plus belles tragédies, où les passions dominent les hommes et les femmes, où la fidélité due à ceux qui sont morts s’impose au destin des vivants, où le spectateur embarque sur un grand huit émotionnel où il croisera la peur, l’espoir, la pitié.

L’action se déroule à Épire, la guerre de Troie vient de se terminer. Pyrrhus, roi d’Épire et fils d’Achille, retient prisonniers Andromaque et Astyanax, la veuve et le fils d’Hector. Pyrrhus aime Andromaque, doit épouser Hermione. Les grecs envoient Oreste pour demander la tête d’Astyanax. Oreste qui aime Hermione, laquelle ne renonce pas à épouser Pyrrhus. C’est parti pour deux heures de passion, de trahisons, de vengeances… jusqu’au moment où certains perdront la vie quand un autre, sombrant dans la folie, laissera fera résonner ce souvenir des années lycée, Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes.

Quand Pylade, joué par Henri Payet est entré d’un pas décidé sur la scène, j’ai su que je pouvais me caler sur ma chaise et savourer, j’ai savouré jusqu’au bout, sans qu’à un seul moment mon attention ne retombe.

La distribution est solide et contrastée, physiquement dominée par la rage de Chani Sabaty, très belle Andromaque, et la colère de Maryline Fontaine, impressionnante Hermione. Face à elles, Sylvain Méallet et Julien Léonelli, Pyrrhus et Oreste, sont psychologiquement perdus, physiquement et moralement dominés par les deux reines comme ils sont dominés par Phoenix et Pylade, leurs serviteur/ami.

Robin Rennuci a fait le choix d’un jeu très naturel, toute l’action se déroule dans le cercle du tapis, il n’y a pas de décor, la lumière ne varie pas, les costumes sont intemporels, quelque part entre le Japon et la Renaissance. Le texte de Racine, huit acteurs qui le servent avec talent, l’essentiel est là, sans qu’il n’y ait besoin de plus.

Et le dispositif quadri-frontal ? Immense avantage, le spectateur n’est jamais loin des acteurs ni de l’action, il baigne dedans, retrouve la magie des petites salles, des cirques de village. Petit inconvénient, quand l’acteur est dos à lui, le spectateur tend le cou. J’avais la chance, dans ce dispositif, d’être à un mètre de la chaise d’Andromaque, je pourrais retourner voir la pièce pour ne regarder que son regard et l’énergie de son maintien, quand elle est sur scène autant que quand, assise, elle reçoit l’action qui se déroule.

Ne boudez pas votre plaisir, laissez-vous emporter par le parti pris naturel et contrasté qu’ont pris Robin Rennuci et les Tréteaux de France pour revenir à l’essentiel d’Andromaque, à la leçon subversive de Racine, quand la vérité de la passion rencontre la fidélité à un devoir nostalgique, le seul gagnant sera la violence.

Au Pavillon Villette jusqu’au 23/01/22
Du mardi au vendredi : 20h00 – samedi : 19h00 – dimanche : 16h00

Texte : Jean Racine
Avec : Judith D’Aleazzo, Marilyne Fontaine, Solenn Goix, Julien Léonelli, Sylvain Méallet, Patrick Palmero, Henri Payet, Chani Sabaty
Mise en scène : Robin Renucci
Compagnie : Tréteaux de France

Visuel : Sigrid Colomyès

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.