
Le festival Courchevel Les 3 Coups a fêté ses dix ans. J’ai eu l’honneur (et le plaisir de faire partie du jury). Dix ans, dix pièces dont huit en compétition, dix équipes portées (et parfois emportées) par leur passion.
Un prix donné par le public, un coup de cœur du jury, une pièce à suivre qu’on retrouvera au théâtre de Nesle en octobre.
Courchevel, le paradis du ski. En hiver. L’été, on peut se promener dans la montagne, déguster, les plats servis dans des restaurants qui ont le temps de prendre soin de leurs clients, profiter des piscines. Et, chaque année depuis dix ans, assister pendant une semaine à une succession de pièces de théâtre.
Organisé sous l’égide de l’Office de Tourisme, et avec le soutien de la municipalité, les représentations des 3 Coups ont lieu à l’Auditorium Gilles de La Rocque, en haut de Courchevel 1850, ou dans la salle de La Tania, station piétonne au creux des bois. Après un accueil chaleureux des troupes et du jury par Jean-Yves Pachod, maire de Courchevel, le festival s’est ouvert sur une représentation de Phèdre sans Racine dans un Auditorium au look savoureusement 1970, les gourmands ayant apprécié l’originalité du food truck de Madame Truffe, comme quoi luxe et street food ne sont pas exclusif l’un de l’autre.
Au programme du festival ? Par ordre chronologique, dans la salle en amphithéâtre de La Tania, j’ai vu :
- Le Bistrot des Peupliers, comédie de Roberto Oliviero, par la compagnie Taras
- Tout est bien qui finit bien, comédie de William Shakespeare adaptée par Olivier Courbier, par la compagnie La Strada
- Fausse Note, drame de Didier Caron, par la compagnie Nouvel Acte
- Adieux aux étoiles, comédie de Zack Naranjo, par la compagnie des Mauvais Joueurs et Not Fade Away
- Célimène et le Cardinal, comédie de Jacques Rampal, par la compagnie Le Rideau Bleu
- Nos Femmes, comédie d’Eric Assous, par la compagnie Théâtre de la Ronde
- Retour de Madison, comédie d’Eric Assous, par la compagnie Comédie des Sens
- Piège pour un homme seul, policier de Robert Thomas, par la compagnie Les Cintrés
Deux créations, une adaptation, cinq reprises de pièces qui ont connu le succès ces dernières années. J’ai vécu de grands moments, ressenti de belles émotions, vécu de nombreux moments de grâce, quelques moments de solitude aussi. Huit pièces, et deux récompenses.
Prix du public : Nos Femmes par la compagnie Théâtre de la Ronde.
Dans un salon cossu, Paul, Simon et Max se réunissent régulièrement entre amis qui connaissent le succès professionnel. Cartes et verres sont au programme, et confidences, leurs situations amoureuses sont variées. Ce soir, Simon est en retard, et quand il arrive, il raconte avoir tué Estelle, sa femme dans un geste de colère. Si ses vieux amis voulaient bien lui fournir un alibi ? Ils hésitent, tergiversent… et la fin finalement morale pardonne d’avoir ri d’un féminicide (eh oui, en 2013 on ne se posait pas la question).
Le texte est d’Eric Assous, efficace et taillé pour le succès. La mise en scène de Vincent Jullien tient le choc du rythme de ce bon boulevard. Sur scène, Vincent Jullien est Paul, pétillant et lumineux, entouré de Jean-Claude Villette (Max) et Jean Lafond (Simon), parfois un peu en retrait.
Je n’ai pas boudé mon plaisir.
Coup de cœur du Jury : Tout est bien qui finit bien, par la compagnie La Strada
L’adaptation et la mise en scène de ce classique de Shakespeare par Olivier Courbier m’a laissé bouche bée. C’est du théâtre à l’os. Une scénographie réduite à l’essentiel. Quatre comédiens qui se partagent une douzaine de rôles. Un joli travail de masque. Un rythme échevelé.
Bien sûr on pourrait chipoter le parti pris pour la comtesse de Roussillon, ou certains costumes. L’essentiel est ailleurs. J’ai savouré. J’ai applaudi des deux mains. C’était un privilège que d’assister à cette représentation, un superbe travail de troupe et d’équipe où le plaisir de Chloé Dumas-Moreau, Léa Lebarbier, Benjamin Innaka et Romain Duguey était contagieux, où leur passion a emporté la salle.
Le seul vrai défaut de cette pièce, c’est que c’était sa dernière représentation, les vies personnelles de ces comédiens amateurs ne sont pas compatibles avec une exploitation. Le spectacle est taillé pour faire un succès à Avignon, et j’espère les y croiser une année ou l’autre.
À suivre : le Bistrot des Peupliers
Deux piliers de bar dont l’un est parano soupçonnent un consommateur de passage d’être l’auteur du braquage d’une bijouterie proche. La réalité se révèlera bien différente, et la parano incurable.
Première représentation publique de cette pièce écrite et mise en scène par Roberto Oliviero. Le texte est prenant, la mise en scène s’appuie sur la scénographie pour rythmer ses transitions, un écueil sur lequel moultes créations se sont échouées. Quelques points restent à régler, des longueurs de-ci de-là, un jeu pas toujours au point. Je reverrai avec plaisir la pièce au début de son exploitation au théâtre de Nesle.
Les 3 Coups, c’est aussi un stage de théâtre pour enfants et ados. Ce sont eux qui ont ouvert la soirée de clôture, de retour dans l’Auditorium Gilles de La Rocque, presque complet malgré la dure concurrence de la cérémonie d’ouverture de Paris 2024. Sous l’égide d’Alexia Lainé, la patronne convaincue de l’Office de Tourisme de Courchevel, dont les équipes ont assuré la logistique et la technique de l’événement (avec un remerciement général de toutes les troupes pour Armand, régisseur général des scènes), Marie-Claire Thooris et Marie-Frédérique Alaphilippe, les deux co-présidentes des 3 Coups, ont remis leurs récompenses au Théâtre de La Ronde, prix du Public, et La Strada, coup de cœur du jury. Chacune a reçu les applaudissements chaleureux et mérités du public, ainsi qu’une sympathique création originale, une lampe Playmobil de Monsieur Hugues.
Les 3 Coups se sont conclus avec une représentation de Tant qu’il y aura des coquelicots…, de et avec Cliff Paillé et Lyne Lebreton. J’avais découvert cette pièce en 2017, et j’ai éprouvé un immense plaisir à la revoir, à retrouver Paul apprenant à lire entre sa grand mère et mademoiselle Mansart, institutrice remplaçante, qui, au delà du goût de la lecture, vont lui apprendre le vrai travail du lecteur, à voyager au fil de ses émotions en affutant son esprit critique. La pièce s’est polie sans s’émousser, c’est toujours un petit bijou, un bonbon à savourer, son naturel fait tellement de bien.
Rendez-vous l’année prochaine pour la onzième édition de Courchevel Les 3 Coups, déjà en préparation.
Visuel : DR
Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com
Pour suivre au mieux toutes nos actualités, vous pouvez nous suivre sur TikTok, Youtube, Instagram, X, Threads, la chaine WhatsApp