Zoé – Théâtre de Belleville

Zoé au Théâtre de Belleville : Zoé se construit entre un père bipolaire et une mère comédienne. L’histoire intime de Julie Timmerman. Un univers poreux qui se construit autant qu’il se délite, une ambiance wagnérienne, un beau travail de troupe.

Au début de la pièce, Zoé est seule, debout, devant un voile. On distingue derrière un homme assis, une femme debout, une table. Posés à jardin, un cendrier publicitaire Gitanes, un livre, un casque audio. Plus vite… plus vite…

Zoé raconte son histoire. Elle est la fille de deux acteurs, son père met aussi en scène. Il est atteint d’une maladie psychique, on disait obsessionnel et maniaco-dépressif, on dit maintenant bipolaire. Il a l’obsession de la perfection, à trois ans il veut déjà qu’elle ait des notes plus hautes que la moyenne, et qu’elle connaisse l’Anneau des Nibelungen (le Ring de Wagner).

3 ans, 8 ans, 14 ans, 18 ans… on va voir grandir Zoé dans cet univers, où elle a le super pouvoir, en levant le doigt, de calmer son père. Là, il s’arrête, et sa mère pleure. Zoé grandit trop vite, elle devient clé de voute de l’univers de son père. Elle fait des liste, elle range. On va voir arriver Victor, nouveau dans l’école, qui peut regarder le Club Dorothée, collectionner les cartes et porter un blouson Chevignon. Chez Zoé, on n’est pas des moutons, pour elle le programme du mercredi c’est cours de piano. Plus tard, ses parents se séparent, son père manifestera son omniprésence obsessionnelle autrement. Plus tard encore, Zoé montera sur scène, et tranchera le lien. Plus tard encore, après dix ans sans contact, Zoé sera mère, et le renouera.

Julie Timmerman a écrit et mis en scène Zoé, l’histoire très intime d’une femme qui se construit dans cet univers instable, étiré entre deux opposés. Qui se construit sur cet univers. Elle y construit son regard sur le monde, différent, important. Elle finit par comprendre qu’elle ne peut pas sauver cet univers dont on l’a faite clé de voute dans sa petite enfance, qu’elle ne peut pas sauver son père. Il est obsessionnel de la respiration ? elle suit le conseil, pour se sauver elle même, pour pouvoir avoir sa vie, elle respire, elle tue le père. Une fois femme, mère, elle comprend la nécessité, plus tard, pour sa fille à elle, de renouer.

Pour servir le texte, une belle distribution, un beau travail de troupe. Alice Le Strat et Mathieu Desfemmes sont Zoé et son père, impressionnants. Anne Crescent est la mère, et Jean-Baptiste Verquin déploie une palette de rôles très créatifs, Victor qui accompagne Zoé dans sa construction, une grand mère fumeuse, la Mort déstabilisée.

Sur scène, on est dans la tête de Zoé. Une accumulation, des caisses, des cantines. Les barrières sont poreuses, on passe à travers les murs tracés au sol. Beaucoup de tulles de couleur, ce tissu aux contours indéfinis qui ne masque rien. Elle est souvent celle qui parle, parfois celle dont on parle.

Une fois rentré dans la pièce, j’ai savouré l’allégorie. La vision de cet univers instable qui s’effondre tout autant qu’il se construit, son ambiance Wagnérienne. L’histoire de Zoé qui s’est sauvée pour construire le monde d’après. Pas pour sauver le monde d’avant. En ayant la sagesse de renouer le lien pour sa fille.

Au théâtre de Belleville jusqu’au 29/02/24
Du mercredi au samedi : 21h15
Durée : 1h25

Texte : Julie Timmerman
Avec : Anne Cressent, Mathieu Desfemmes, Alice Le Strat, Jean-Baptiste Verquin
Mise en scène : Julie Timmerman

Visuel : Pascal Gely

Cette chronique a été publiée pour la première fois sur http://www.jenaiquunevie.com

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