
Shahara aux Plateaux Sauvages : deux jeunes filles que tout sépare se retrouvent dans un service d’oncologie, elles trouvent dans leur amitié et leur imagination la force de combattre la maladie qui borne leur horizon. Un texte fin et poétique de Caroline Strella mis en scène par Sarah Tick
Sur la scène, un grand cercle blanc, un cube recouvert de carreaux, des voiles verticaux. Trois personnages entrent en scène, l’un porte une blouse blanche, l’autre une salopette, le troisième un gilet comme on en portait dans les années 60… Dix, neuf, huit… trois, deux, un…Une douce pénombre… au loin, la lune, ou un projecteur…
On est quelque part, dans un imaginaire, et dans cet imaginaire, on part pour un voyage vers la lune. Dans la réalité, on est dans un service de dermato-oncologie. Mélie vient pour subir une petite intervention, trois jours et elle sera sortie. Dans une salle d’attente, elle croise Shahara. Qui vient du Maghreb, porte une tenue de cosmonaute. Qui attend l’arrivée programmée de ses parents pour entrer en salle d’opération. Qui chasse l’empathie à coup de mauvais caractère.
Le séjour de Mélie se prolonge, Shahara se dévoile, jeune fille atteinte de la maladie des enfants de la lune, elle ne peut s’exposer à la lumière, qui creuse des cratères dans sa peau. Elles investissent une réserve abandonnée, dont on imagine la porte barrée d’un Accès Interdit menaçant. Cette pièce aveugle où du vieux matériel a été oublié devient le terrain de jeu de leur imagination, elles apprivoisent leurs peurs, transforment l’opération à venir en voyage sur la lune, un voyage incertain.
J’ai été saisi par la beauté de cette pièce, par ce formidable travail d’équipe.
Le texte très fin de Caroline Stella ne fuit pas la réalité de la maladie, le résultat incertain des soins et de l’opération. Dans l’univers hospitalier qui borne l’horizon de Shahara et Mélie, les parents sont absents, leur venue n’annonce pas vraiment de bonnes nouvelles. Il y a dans le texte la réalité d’un horizon de vie fini, cette réalité que l’imagination de Shahara leur permet d’affronter plus sereinement, sans la fuir. Il y a une ode poétique à l’amitié, à la solidarité, à l’adelphité qui va unir ces deux jeunes filles, leur donner une force qu’elles même ne soupçonnaient pas, la force de combattre. Une invitation à rêver, à garder les rêves au chaud dans les têtes. Un rappel que toutes les vies ont de la valeur dans les yeux de ceux qui aiment.
La mise en scène de Sarah Tick transcende la poésie réaliste du texte avec onirisme. Les doutes de Mélie et Shaharé deviennent tangibles, leurs rêves prennent forme, le spectateur est emporté, enveloppé dans une belle scénographie qui fait la part belle aux accessoires transformés, où la vidéo est finement présente, où le son vient en soutien permanent.
Pour servir ce texte, délivrer ce rêve, Caroline Strella et Sarah Tick s’appuient sur une distribution qui tient le choc. Nadia Roz, bien sûr, merveilleuse Shahara, elle porte ses doutes, sa violence, sa volonté. Barbara Bolotner, Mélie empathique et enjouée. Et deux magiciens. Guillaume Mika, parfois médecin, parfois lune, bruiteur, musicien, chanteur, il installe l’ambiance sonore de la pièce. Julien Crépin, astronaute mémoriel et maître des lumières.
Je me suis laissé embarquer par cette belle pièce, je suis sorti plein de réflexions, plein d’espoirs. Touché par cette force qui a empli Shahara et Mélie, malgré leur horizon inéluctablement rapproché, elles se battent, combattent, rêvent un possible, ensemble en font leur réalité.
Une belle pièce, une histoire d’amitié, une invitation à rêver la force de se battre. Une belle leçon de vie.
La pièce a plusieurs niveaux de lecture, qui la rendent visible à tout âge à partir du CE2.
Aux Plateaux Sauvages jusqu’au 25/03/23
Séances tout public : Mardi et vendredi : 19h00; mercredi : 14h00; samedi : 16h30
Scolaires ouvertes au public : 20/03-14h00; 21/03-10h00;22/03-10h00; 23/03-10h00 et 14h00; 24/03-10h00
puis en tournée
– 6 et 7 avril 2023 : Théâtre du Chevalet, Noyon (60)
– du 23 au 26 mai 2023 : Etoile du Nord, Paris
Durée : 1h00
Texte : Caroline Stella (Éditions Espaces 34)
Mise en scène : Sarah Tick
Dramaturgie : Morgane Lory
Assistanat à la mise en scène : Laura Bauchet
Scénographie : Anne Lezervant
Création vidéo : Renaud Rubiano et Pierric Sud
Création musicale : Guillaume Mika et Nicolas Cloche
Création et régie lumière : Julien Crépin
Création et régie son : Pierre Tanguy
Costumes : Charlotte Coffinet
Avec : Barbara Bolotner, Julien Crépin, Guillaume Mika, Nadia Roz
Visuel : Pauline Le Goff
Une réflexion sur “Shahara (mes Sarah Tick) – Les Plateaux Sauvages – l’histoire saisissante de deux jeunes filles qui trouvent dans leur imagination la force de combattre la maladie”