Embrasse-moi sur ta tombe – Théâtre du Rond Point

Embrasse-moi sur ta tombe au Rond Point : une pièce nécessaire, à voir pour son analyse de la radicalisation, pour la puissance de l’amour maternel, pour assister au combat démentiel entre Christine Murillo et Benjamin Wangermée.

Sur la scène, un dispositif qui recrée – pour l’instant – l’intérieur d’un appartement populaire, au sol ces carreaux de ciment qui reviennent à la mode. René Turquois est agenouillé sur une chaire, il prie, O toi qui écrit les mots qui sortent de nos bouches…

Sa vie a été ravagée. Il s’est fait virer de son travail, par sa femme, il est retourné vivre chez sa mère. Il lui reste un ami, un nouvel ami, qui l’emmène sur le chemin de la radicalisation, au sein d’un vague réseau. Il doit faire ses preuves, se couper un morceau de doigt, pour mériter de se faire exploser au moyen d’une ceinture qu’il doit par ailleurs payer lui même. La mère est attentive, elle a de l’imagination, une idée pour tenter de sauver son fils.

J’ai eu deux lectures qui se complètent du texte de Jean-Daniel Magnin et Maryam Khakipour.

Il y a d’abord une analyse de la radicalisation extrême, celle qui conduit à se faire exploser au milieu d’inconnus. Le fils n’est pas un croyant pratiquant, c’est un paumé dont le père venu de l’autre côté de la mer n’était pas particulièrement un modèle de vertu, c’est quand son univers s’effondre que son image devient celle d’un raté, qu’il devient sensible à l’influence d’un illuminé, lequel n’est qu’un manipulateur isolé et vide de sens. L’analyse est fine, elle ne tombe pas dans le piège de l’angélisme porté par un des extrêmes, ni dans celui du systématisme porté par l’autre. Elle est fine, elle décrit la même réalité que celle qu’on peut lire dans les chroniques hebdomadaires de Charlie Hebdo.

Il y a en parallèle une évocation de l’amour inconditionnel de la mère, elle est attentive et comprend ce qui se passe. Elle est attentive, elle est fine, se doute que l’opposition frontale ne fera qu’aggraver les choses, elle prend le prétexte de la vue du sang pour emmener son fils dans un road trip émotionnel, part dans un délire pour qu’il retrouve le sens de la réalité. Tout en restant une mère, qui pense que l’équilibre de son fils passe par une vie de couple, qui fait le nécessaire, avec ce qu’elle a sous la main.

Christine Murillo est merveilleuse dans le rôle de la mère, juste quand il faut l’être, excessive quand c’est nécessaire, elle porte la pièce comme elle porte son fils. Face à elle, Benjamin Wangermée est excellent en serpent Kaa à la petite semaine, un manipulateur lâche et hypnotique incapable d’exister par lui même. Entre ces deux monstres qui s’affrontent à distance dans un combat démentiel, René Turquois tient le choc sans se laisser dépasser, et Hélène Viaux est une voisine rafraichissante.

Quelqu’un a dit un jour que la comédie décrit la vie comme elle devrait être, et que la tragédie la décrit quand les choses ne se passent pas comme elles devraient. Embrasse-moi sur ta tombe démontre la justesse de la phrase.

Une pièce à voir, nécessaire pour son analyse de la radicalisation, optimiste par sa vision de la puissance de l’amour maternel.

Au Théâtre du Rond Point jusqu’au 20/02/2022
Du mardi au samedi : 20h30 – dimanche : 15h30

Texte : Jean-Daniel Magnin sur un scénario de Maryam Khakipour
Avec : Christine Murillo, René Turquois, Hélène Viaux, Benjamin Wangermée
Mise en scène : Jean-Daniel Magnin, Maryam Khakipour

Visuel : Stéphane Trapier

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