Ogre

Conté par Marien Tillet, illustré par Mac McGill, Ogre recueille les derniers mots d’un père. Piégé par le Petit Poucet, il a commis l’impardonnable, tué ses propres filles. Un vrai conte, noir, initiatique. Lisez Ogre. Avec le cœur.

Ogre

Le Petit Poucet, le conte de Perrault, tout le monde le connait. Le pauvre bucheron, les cailloux, le deuxième abandon, la maison de l’ogre, les sept filles, l’échange des bonnets, Poucet et ses frères sont sauvés, l’ogre met ses bottes de sept lieues, les poursuit en criant sa rage.

Marien Tillet conte ce cri, cri solitaire, cri de rage, le cri de l’ogre. L’ogre qui est d’abord un père, un père qui a commis le pire des actes, il a égorgé ses propres filles, ses filles qu’il aimait. Ses filles qui, pourtant, l’avaient prévenu.

Marien Tillet conte, l’ogre vit ses derniers instants, il se souvient. De tout. En détail. Il a retourné chaque pierre. Ses bottes finissent par le trahir, épuisé, ses forces le quittent, son dernier mot est pour celui qui le trouvera, qu’il ne laisse pas perdre sa viande, qu’il ne le laisse pas aux vers, qu’il le mange.

J’ai lu ce texte le coeur au bord des larmes. J’ai senti l’humanité de ce père, cet homme qui est un ogre. Être un ogre, c’est sa nature. Sa femme a accueilli sept petits hommes, la nature de l’homme est d’affronter l’ogre. La maison est petite, fillettes et garçonnets sont dans la même chambre. L’alcool lui a fait perdre le contrôle.

Il y a le texte, en alexandrins puissants, un des pans du spectacle Le Dernier Ogre, qui est un de mes coups de cœur de la saison. En prenant le temps de lire, j’ai reçu de nombreux détails qui m’avaient échappé.

Il y a les dessins, dynamiques, de Mac McGill, chacun d’eux m’a avalé, emmené dans un tourbillon, hypnotisé.

Le tout suivi d’un texte de Marien Tillet sur les forêts, les loups, le feu, les paradoxes de la lumière, le luxe du fantastique. Nos forêts intérieures seraient plus ténébreuses que les cavernes ? La nature de l’homme est de jouer avec le feu, de risquer pour explorer. Le pouvoir du feu fascine, hypnotise, doit être découvert. Le conte est un moyen de commencer cette exploration, de profiter de l’éclairage des autres pour jeter un coup d’oeil en coin sur les ténèbres. Certains s’en contentent, d’autres y trouveront une invitation à poursuivre.

Avec cet éclairage, j’ai relu le texte, je l’ai reçu à nouveau, moins attentif aux détails, plus attentif à ce qu’il y a derrière les détails. La force des mots, l’absorption des illustrations, une nouvelle dimension se laissant entrevoir. L’adrénaline est une drogue, et le danger, le jeu avec le feu, un moyen rapide d’en faire monter le niveau.

Marien Tillet est un vrai conteur, un bon conteur. Avec lui, plus de couleurs acidulées, de violences gommées. Il revient à la source, il remet le conte à sa place, noire, initiatique. Le conte qui indique l’endroit, la nature du danger, à chacun de faire son choix, se détourner… ou s’en approcher… en toute conscience.

Lisez Ogre.

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PS : ce n’est pas un livre à offrir sans précautions à un enfant trop jeune, sauf à vouloir le retrouver les yeux exorbités au milieu de la nuit. La classification des libraires est parfois surprenante

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