Octobre

L’histoire d’une troupe d’Agit-Prop des années 30, mais qui jouait des textes de Prévert. L’occasion de se rendre compte qu’au fond, rien n’a changé, que c’est la résignation qui laisse le champ libre au repli sur soi.

Octobre

J’allais voir un spectacle qui me parlait de Prévert, j’ai vu un spectacle qui me parlait d’Octobre donc de Prévert.

Vous avez tous appris Prévert à l’école, certains se souviennent du scénariste des Enfants du Paradis, les plus cultivés du Prévert surréaliste. Mais le Prévert d’Octobre ? Oui, Octobre, la troupe qui jouait pour le peuple, pour diffuser les idées marxistes ? La troupe d’Agit-Prop, des artistes qui s’engagent pour dire aux ouvriers qu’ils peuvent tout changer.

Octobre est une pièce tripale, clivante. Une pièce jouée par une troupe de convaincus qui prennent plaisir à jouer ensemble, qui essayent de faire bouger les choses. Une suite de tableaux ciselés, qui racontent (une) histoire des années 30. Qui commence avec la Révolution d’Espagne et l’espoir, qui se termine avec le Front Populaire et la résignation. C’est une charge contre l’ordre établi, anti… colonialiste… militariste… cléricale… Chacun en prend pour son grade d’un trait forcé, l’industriel (et sa femme bourgeoise), le pape, le policier, le juge, l’homme politique, les medias. C’est un hommage aux ouvriers qui savaient se mobiliser, une dénonciation des hommes politiques, surtout de gauche, qui ont abandonné le combat, qui ont conduit les ouvriers à la résignation.

Octobre se veut un message d’espoir, parce que pour qu’il y ait de la colère, il faut qu’il y ait de l’espoir. Ou le contraire.

Ca c’est le message de la troupe, de dire avec ces mots d’avant des choses de maintenant, de lutter contre la résignation. Si Octobre parle des années 1930, de la crise, de la montée des idées réactionnaires, du repli nationaliste, la troupe nous renvoie dans l’actualité, les derniers messages sont clairs, ce ne sont plus les titres ni les slogans 1930, ce sont ceux… de 2013, de 2018. On peut discuter de ce message, dans un monde où les métiers ouvriers disparaissent, où subsistent les métiers de soutiers, exercés par des gens invisibles et résignés. On peut épiloguer sur la façon dont les révoltes se polissent, s’institutionnalisent, s’embourgeoisent comme le chantera Brel plus tard. On ne peut douter de leur conviction. Moi qui aime les gens convaincus qui jouent avec leurs tripes, j’ai été servi.

Avant d’être un message,  Octobre est un beau spectacle, un spectacle de troupe, qui occupe chaque seconde de la représentation, un spectacle survolté emmené par des acteurs venus d’horizons très divers. Un spectacle avec du jeu, de la chanson, de la musique. Avec une scénographie créative.

J’ai reçu la pièce à plusieurs niveaux. La langue de Prévert, d’abord, déjà là, avec sa fraicheur, son naturel, Prévert, le poète qui avait « trop à dire pour pouvoir l’écrire ». Les tableaux, ensuite, tous poétiques, tous beaux, qui passent chacun un message fort auquel on ne peut échapper. Ces tableaux ont 80 ans, ils n’ont pas une ride, et au fond, pas grand chose n’a changé, les débats sont restés les mêmes.

J’en ai apprécié chacun des tableaux. Faut-il en citer ? Citroën. L’hirondelle dont les enfants ne survivront que s’ils restent ensemble. Le pape et l’évêque ivre. Le happening du 14 juillet. Le tableau final, quand Prévert dit Compagnons des mauvais jours.

Un spectacle qu’on peut aller voir en famille. Baroudeur était là, qui s’est laissé emporter.

Un spectacle qui a fait salle comble, qui a été très longuement applaudi.

Adaptation : Julie Horreaux
Avec : Alban Lebrun, Frédéric Rumeau, Jean-Claude Bon, Julie Horreaux, Malena Perrot, Suzel Arnold accompagnés par les instruments de François Le Floch’
Mise en scène de la compagnie Soleil de Nuit.

Au Théâtre de Nesle – jusqu’au 25 février 2018 – dimanche 17h00

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