
Méduses au Local des Autrices : de et par Mélie Néel. Méduse avait presque quinze ans, elle a été violée par un de ses amis. Un texte fort, dur, pas lourd. Une invitation à réfléchir sur la réalité du viol et à la façon dont la société ne s’en occupe pas vraiment.
Une structure dorée occupe le fond de la scène. Au milieu, une méduse fluorescente. Quatre chaises en bois crème, à chacune il manque un morceau du dossier, jamais le même. Des chaises noires, pliées. Un sac de sport, un manteau de laine, une veste de treillis. Méduse arrive, avec son bonnet de bain et ses lunettes de piscine. C’est… euh… un jour d’automne, ou peut-être de printemps. Dehors il fait gris…
Méduse est à Monoprix, elle fait ses courses. Au détour d’un rayon, elle voit une jeune femme, une grande brune de trente ans, avec sa petite fille. Et son mari. Le mari, c’est le type qui l’a violée quand il avait dix sept ans.
Avant Méduse, il y avait Papillon, parce que c’est la nage qu’elle pratiquait jusqu’à cette soirée pré-compétition, organisée avec ses amis dans un Ibis de zone industrielle. Papillon avant quatorze ans et onze mois. Son non n’a pas été respecté.
Le texte de Mélie Néel explore la réalité d’un viol, du viol. Le viol que Méduse a subi, auquel elle repense tous les jours. Le viol statistique, celui qui est commis par un membre de l’entourage proche (90% des cas), sans conséquences pénale pour son auteur (98% des cas).
Il y a deux temps qui se déroulent en parallèle dans Méduses. La soirée à l’Ibis. Comment elle s’est retrouvée sans défenses. Ce qui s’est passé. Comment Méduse a eu peur du regard des autres. Et puis, plus tard, la thérapie de groupe, entre personnes qui ont toutes subi « le mot en v ». Niels, Alice, et Hélène, celle qui parait si forte, si cheffe, qui forcément rien ne pouvait arriver. Ben si. Elle aussi a récupéré son étiquette de Victime.
Deux temps qui coupent le souffle du spectateur, parfois le spectacle change de dynamique, Mélie Néel sort du personnage, l’actrice prend la parole et prend soin de l’auditoire, le prévient de ce qu’il va voir, l’invite à boire une gorgée d’eau pour reprendre sa respiration.
La mise en scène de Noémie Schreiber et Cécile Roqué Alsina prend son temps, elle joue des chaises pour créer une double symbolique, les chaises dépliées à terre, les chaises cassées qui se regroupent et trouvent la force de la bande. On sent leur direction d’actrice, précise, qui s’appuie sur le jeu naturel de Mélie Néel et lui laisse la liberté de respirer.
Le spectacle est fort, dur, il n’est pas lourd. Quand le noir est revenu, il n’y a pas eu le long silence qui souligne la lourdeur, les applaudissements ont fusé immédiatement. En mode On est avec toi, On a compris ton besoin de parler, On t’a écoutée, On te soutient.
Il y a un message politique fort dans Méduses. Est-ce que vraiment c’est à la Victime d’encaisser, de porter son étiquette ambigüe, de se débrouiller pendant que l’auteur de l’acte reste en liberté pendant que la justice est impuissante ? Quels sont les réglages du système à faire, éducation, justice ? D’ailleurs… mon détecteur à non, est-ce qu’il est bien réglé ? Le message de Méduses s’adresse à tous.
Au Local des Autrices du 24 au 27 avril 2025
Jeudi, vendredi, samedi : 21h00; dimanche : 18h00
Durée : 1h15
Texte : Mélie Néel
Avec : Mélie Néel
Mise en scène : Noémie Schreiber, Cécile Roqué Alsina
Compagnie : Collectif Corpuscule
Visuel : Cécile Roqué Alsina
Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com