Les yeux grands ouverts – Théâtre de Belleville

Les yeux grands ouverts au Théâtre de Belleville : un spectacle bien fait de Pauline Cassan et Philippe de Monts, une jeune femme retourne dans le monde de sa jeunesse pour réaliser que pour vivre sa vie, il faut qu’elle largue les amarres de celle de ses parents.

Sur le mur du fond de la scène vide, des vidéos se succèdent, moments de famille, voyages, la plage, la neige. Pourquoi tu m’aimes-tu ? voix off, accent québécois Est-ce que tu m’aimeras toujours ? Toujours en vidéo, Constance prend la parole, pour expliquer que ce que nous allons vois, c’était avant, et que dans son couple, tout va bien. Bouh ! Oh, elle m’a fait peur ma Constance, qu’est-ce que tu m’as fait peur !

Voilà dix ans que Constance et Jeremian sont en couple, ils vivent au Québec, depuis cinq ans ils essayent d’avoir un enfant. Ils sont venus en France pour les trente ans de mariage d’Hélène et Artus, les parents de Constance. Jeremian a envie de tourisme, le musée d’Orsay, un camembert rôti chez Papa. Constance retrouve les marques de son enfance, sa petite chambre, les Picard de sa mère, le cabinet de son médecin de père. Dans une maison où tout s’effondre, où Jérémian apprécie moyennement de dormir par terre, Constance va s’acharner à organiser une fête dont tout le monde se fout, y compris son père absent et sa mère flemmatique, désabusée et obsédée par la vie de Lady Di, d’ailleurs Lady Di est mort le jour anniversaire de leur mariage… tiens, Constance et Jeremian se sont rencontrés la veille dudit jour.

Jusqu’à ce que Constance comprenne que pour devenir femme, il faut qu’elle cesse de vouloir absolument rester l’enfant de ses parents, il faut qu’elle vive son histoire d’amour sans vouloir la relier à celle de ses parents, il faut qu’elle oublie ses promesses d’enfant, si belles soient-elles.

Pauline Cassan et Philippe de Monts ont conçu un spectacle trash, une mise en scène au cordeau, sur un fil permanent. Une scène vide, deux chaises, le spectateur peut y projeter les images de son histoire. Si la scène est vide, l’ambiance est immersive, hypnotique, lumière claire-obscure, sons permanents, des objets qui tombent des cintres.

Le texte est un labyrinthe bourré d’indices. Des toilettes bouchées dont la porte ne ferme pas. Un chien omniprésent qui n’est pas celui de la famille et qu’on enterrera dans le jardin. Un plafond qui s’effondre. Un père qu’il ne faut pas déranger, à qui on ne parle pas. Pour explorer le monde des rêves, le somnambulisme de Constance, des mots ambigus qui interrogent. Au milieu de tout ça, Jeremian, ni parent ni enfant, adulte, il sait ce qu’il veut et voit le monde tel qu’il est.

Philippe de Monts est Jeremian, Québécois enjoué brut de fonderie. Pauline Cassan est à la fois Constance et sa mère, qui parfois se mélangent.

A l’arrivée, une leçon de vie, de ces choses qu’on sait, qu’on a besoin d’entendre régulièrement. Pour être eux-mêmes, pour vivre leur propre histoire, les enfants doivent larguer les amarres d’avec leurs parents. Faute de quoi ils resteront leurs symptômes et s’épuiseront à vouloir tenir les promesses de son enfance, si belles étaient-elles.

Les Yeux Ouverts est un spectacle bien fait qui s’amuse à perdre le spectateur dans le labyrinthe hypnotique de ses propres souvenirs pour le mettre face à l’essentiel : ouvre les yeux, vis TA vie.

Au Théâtre de Belleville jusqu’au 30/11/23
Du mercredi au dimanche : 21h15, 19h00 ou 15h00 selon les jours
Durée : 1h25

Texte : Pauline Cassan, Philippe de Monts
Avec : Pauline Cassan, Philippe de Monts
Mise en scène : Philippe de Monts

Visuel : Sébastien Bonnabel

Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com

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