Chemin de Fer – Échangeur Bagnolet -> 16/05/23 – Une épopée théâtrale en mode steampunk rock

Chemin de Fer à l’Échangeur Bagnolet : Alexis Forestier et Itto Mehdaoui racontent à travers les hommes et les textes, le siècle de gloire du chemin de fer. Une épopée mutante, entre théâtre et opéra steampunk rock. Un spectacle plein d’imagination, à savourer jusqu’à la moelle.

Sur la scène de l’Échangeur, beaucoup de métal, elle est pourtant immense. Des silhouettes, dans la pénombre. Elles soudent, se battent… Au commencement de cette histoire, une bourgade tout à fait ordinaire en Bourgogne…

Cette bourgade, c’est Les Laumes, près de Venarey, pas loin d’Alise Sainte Reine (plus connue sous le nom d’Alesia). Sur le trajet de la ligne Paris-Lyon-Méditerranée. Les agriculteurs refusent de céder leurs terres ? le rail passe par les marécages, qu’il faut assécher au moyen de pompes gigantesques. Plus tard, la gare prend de l’importance, devient un centre d’entretien, un nœud ferroviaire au pied d’une rampe. Autour de la gare, tout un écosystème prend vie. C’est l’époque des Cités Jardins, regrouper les cheminots, les séparer des villes et de leurs faubourgs, affirmer l’esprit de corps, ne pas séparer ceux qui triment et ceux qui commandent, à l’opposé du Taylorisme des usines ou des bassins miniers. Plus tard encore, après la seconde guerre mondiale, c’est la reconstruction. L’électrification. Plus besoin d’ajouter de machines pour grimper sur les plateaux. Le dépôt ferme, les bâtiments sont détruits, il y a toujours du trafic, local. Ailleurs dans le monde, dans d’autres temps, le rail contribue à la conquête de l’Ouest. Ou à l’exploitation touristiques des sites Mayas.

Chemin de Fer évoque cette épopée. La met en perspective. On comprend comment l’esprit de corps s’est formé, comment les hommes de 1850 ont modelé les paysages et les esprits, comment ceux de 1950 les ont reconstruits. Comment l’évolution des technologies a désarçonnés ces cheminots, les a fait descendre du piédestal de la modernité. Le siècle de gloire du chemin de fer, c’était 1850-1960.

Sur la forme, Alexis Forestier et Itto Mehdaoui ont conçu un spectacle mutant, entre forme théâtrale et opéra rock steampunk. Sur scène, accompagnés des instruments de Jean-François Favreau et Christophe Lenté, ils jouent, récitent, chantent. Ils soudent (oui, à l’arc) le métal, transforment les structures, leurs donnent vie. De ces spectacles qui vous envoient des sensations plus que des textes, qui du coup ne laissent pas indifférent. On adore, ou on passe totalement à côté, il n’y a pas de milieu. J’ai adoré. J’ai suivi les titans qui forgeaient le métal. J’ai accompagné les croisés qui s’installaient dans la campagne. J’ai ressenti l’esprit de corps se constituer. L’équilibre s’inverser violemment.

Des sensations plus que des textes, des textes quand même. Servi dans un mix très rock, où la voix se noie dans les instruments. Des textes qu’on découvre, et dont on saisit des bribes. Des textes qu’on connait, qu’on parcourt avec eux. La Prose du Transsibérien, de Blaise Cendrars, bien sûr. Sur ce beau poème que j’ai vu tant de fois dans des univers d’une sagesse absolue, leur énergie, leur violence, leur imagination, les habits neufs râpés jusqu’à la corde, le melon venu tout droit d’Orange Mécanique… emmènent le texte à un autre niveau. Waow !

J’ai savouré tout le spectacle, j’en ai sucé la moelle. Vous adorerez. Ou vous vous ennuierez. Il n’y a pas de milieu. Et une seule façon de savoir.

A l’Échangeur Bagnolet jusqu’au 16/05/23
Tous les jours sauf dimanche : 20h30
Durée : 1h30

Conception, Texte et montage des textes : Alexis Forestier, Itto Mehdaoui
Textes : Blaise Cendrars, Jean-Paul Curnier, Alain Dorotte, Louis-Gabriel Gauny, Jack London, Elio Vittorini, Walt Whitman
Avec : Jean-François Favreau, Alexis Forestier, Christophe Lenté, Itto Mehdaoui
Mise en scène : Alexis Forestier

Visuel : Antoine Lenoble

Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com