Le tour du Théâtre en 80 minutes : Christophe Barbier, passionné et passionnant, dit le théâtre, les liens entre spectacle, politique et religion

Le tour du Théâtre en 80 minutes au Poche Montparnasse : Christophe Barbier, passionné et passionnant, raconte le théâtre, rappelle ses liens avec la religion et la politique. Un spectacle qu’on savoure, dont on ressort en souriant, l’attention affutée sur les spectacles courts auxquels sont exposés ceux qui feront le monde de demain

Sur la scène, devant un secrétaire Louis XVI, Christophe Barbier est assis, chemise à jabot, gilet fleurs de lys, il se maquille. On aperçoit une veste, un autre gilet, une perruque. Plus loin, on distingue un brigadier, une écharpe rouge posée sur une chaise haute. Deux masques dorés sur un piano. Allons donc, Messieurs et Mesdames, vous moquez-vous avec votre longueur, et ne voulez-vous pas tous venir ici ?

Christophe Barbier ouvre son tour du théâtre sur la première réplique de l’Impromptu de Versailles, une troupe répète une pièce qui va se jouer devant le roi, ils ne sont pas prêts. Du théâtre dans le théâtre. Avec passion, il raconte le comédien qui se prépare, qui entend les trois coups. Rongé par le trac, il entre en scène, dit ses répliques, ses tirades. Trou de mémoire ou pas, il salue, savoure les rappels. Il dit qu’on est comédien comme on est prince, de naissance. Qu’être un autre, c’est être soi quand on est comédien.

Dans un deuxième temps, Christophe Barbier raconte une histoire du théâtre et de la politique, deux faces d’une même médaille dont la tranche est la religion. Il remonte à Thespis, qui serait le premier acteur, évoqué par Rostand dans la première scène de Cyrano. Il dit la concurrence entre la religion et le théâtre, l’excommunication des comédiens. Il dit le théâtre outil des puissants, miroir de son époque, qui devient populaire et contribue à abattre des régimes. Il dit Beaumarchais, Labiche, Feydeau, et comment Charles Labussière a préservé la troupe de la guillotine.

Le tour du Théâtre en 80 minutes, c’est le spectacle passionnant d’un passionné. Un spectacle inspiré de son Dictionnaire Amoureux du Théâtre (Plon). Un Dictionnaire Amoureux, comme une anthologie, c’est toujours quelque chose de surprenant. Les yeux brillants d’un passionné autant que l’œuvre d’un érudit. De ces œuvres dont on se demande où a été trouvé le temps de les écrire (Georges Pompidou avait pris celui de compiler une large Anthologie de la Poésie Française), dont on réalise le bouillonnement qui a permis de limiter son épaisseur. Une invitation à voir par soi même, à faire sien. Une plongée dans l’âme de l’auteur.

Sur scène, Christophe Barbier est un diablotin exalté et malicieux. Son plaisir d’être là, de partager, de faire découvrir est contagieux. On entend Molière, Corneille, Dumas, Rostand. Claudel, aussi. En trois minutes, il meure quatre fois, et quand le public applaudit, il retrouve les gestes évoqués une heure avant.

Le tour du Théâtre en 80 minutes est une pièce passionnée et passionnante. Une mise en abyme de l’importance du spectacle pour faire bouger les lignes. Une invitation à être attentif à cette puissance.

C’est dans l’esprit du spectateur que la mise en abyme franchit un dernier niveau, que Christophe Barbier redevient éminemment politique. Aux USA, la ségrégation n’est plus applicable depuis le milieu des années 1960, deux générations de séries positives plus tard, un président noir a été élu, une femme a failli être président. La télévision a transféré le pouvoir du spectacle vers les formats enregistrés, Internet l’a emmené vers les formats courts où baignent nos adolescents, à grands coups de vidéos d’une minute. Quelles seront leurs valeurs, quand ils auront un bulletin de vote en main, quand ils arriveront aux manettes ? Le tour du théâtre en 80 jours n’est pas seulement un regard nostalgique et amoureux sur le passé, c’est une invitation à affuter notre attention sur ce qui aujourd’hui crée le futur. Une invitation très politique au moment où, pendant quelques jours, dans un territoire aux antipodes, l’état d’urgence a permis d’interdire l’accès à ces mêmes formats courts.

Au théâtre de Poche Montparnasse jusqu’au 08/07/24
Lundi : 19h00
Durée : 1h20

De et avec Christophe BARBIER
Librement inspiré du Dictionnaire amoureux du Théâtre (Plon éditions)
Sous le regard de Charlotte RONDELEZ
Production : Théâtre de Poche Montparnasse

Visuel : Pierre & le Loup – photographie Pascal Gely

Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com

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