Au delà de la pénétration – La Reine Blanche : il y a un univers au delà de la pénétration, tout le monde n’y a pas accès

Au delà de la pénétration à La Reine Blanche : Yves Heck adapte le livre de Martin Page, un spectacle tendre et plein d’humour dont la force est de rappeler au public que la conviction avec laquelle il est entré est loin d’être partagée, que des femmes payent encore de leur vie la domination de la pénétration

Le plateau est vide. Yves Heck est assis dans la pénombre, à jardin. Il se lève, met sa veste, sort en coulisse. Revient avec une chaise. A première vue, c’est un acte physique, simple à décrire…

Pendant une heure dix, Yves Heck va parler de la pénétration, plus précisément de la pénétration de la femme par l’homme hétérosexuel. La pénétration, obligatoire, culturelle, atavique ? Outil de domination ? Au delà de la pénétration, y a-t-il quelque chose ? Un homme gay est-il légitime à parler de la pénétration dans le couple hétérosexuel ?

Yves Heck, seul en scène, signe également la mise en scène. Dynamique et efficace, elle théâtralise le propos sans totalement s’abstraire d’un petit côté conférence, on a souvent envie d’intervenir, de rebondir. Il pétille, plein d’humour et de tendresse, invite à la désobéissance, à un anticonformisme provocant.

Martin Page est né en 1975, dans la banlieue sud de Paris, il a vécu dans le quartier de Château Rouge à Paris. Son livre, Au delà de la pénétration, paru en 2020, porte un point de vue qui peut paraitre daté. Oui, quand on déconnecte la sexualité de la nécessité de reproduction (et de conserver le mâle protecteur jusqu’à l’autonomie de l’enfant, lisez aussi Pourquoi l’amour est un plaisir : l’évolution de la sexualité humaine de Jared Diamond, paru en 1997), quand la pénétration n’est plus obligatoire, faire l’amour prend une autre dimension. Le public le sait, il n’a pas besoin d’en être convaincu. Il approuve de la tête, à différents moments, chacun trouve sa place dans le spectre large de la sexualité épanouie.

La force de l’adaptation du livre de Martin Page par Isabelle Defin, Yves Heck et Thierry Illoz, une fois martelé l’argument, c’est, à travers deux séquences bourrées d’émotion, de rappeler à ce public que s’il était convaincu en entrant dans la salle, sa conviction est loin d’être universelle. Voilà un coup de téléphone entre un homme et son père. Voilà un micro vide, une voix de femme orientale, une femme absente, qui n’a pas droit à la parole, qui peut-être a perdu la vie. Au spectateur de finir le travail de réflexion, de toucher la froideur des barrières. L’âge, la culture, le milieu, la religion… fin de la domination de l’homme sur la femme est une remise en cause inconcevable qui mine les fondations de leurs convictions les plus profondes, les journaux témoignent des conséquences meurtrières, voilées…

Un rappel bienvenu. Ce qui pour vous est une évidence est pour d’autres un territoire terrifiant. Une invitation à la réflexion dont chacun tirera les conséquences.

A La Reine Blanche jusqu’au 25/11/23
Mardi, jeudi : 21h00; samedi : 20h00
Durée : 1h10

Texte : Martin Page; adaptation Isabelle Defin, Yves Heck, Thierry Illoz
Avec : Yves Heck
Mise en scène : Yves Heck

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Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com

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