La Collection – Pinter – Théâtre de l’Atelier -> 25/06/23 : on peut aussi rire avec Pinter

La Collection de Pinter à l’Atelier : que s’est-il passé entre Stella et Bill dans cet hôtel, un soir de semaine à Leeds ? Entre rires et mensonges, une vérité apaisera les esprits. Ludovic Lagarde offre le luxe du temps à Mathieu Amalric, Valérie Dashwood, Micha Lescot et Laurent Poitrenaux, tous savoureux.

Sur la scène, deux salons de deux appartements d’une même rue de Londres. Chez Stella et James, l’ambiance est claire. Un canapé, une table basse rectangulaire, un tourne disque, un assistant vocal. Chez Bill et Harry, au pied d’un escalier magistral, deux fauteuils en cuir marron, une servante à alcools, quelques objets anciens, un assistant vocal. Harry rentre d’une soirée arrosée et festive. L’assistant sonne. Allo ? Bill ? C’est vous ? Non, il dort.

Stella est créatrice de mode, la semaine précédente, elle est allée à Leeds, pour une soirée. Là elle a croisé Bill. Elle avoue à James qu’ils ont passé la nuit ensemble. Mais, comme toujours chez Pinter, la vérité est évolutive, entre indices, fausses pistes et forages exploratoires, chaque strate qu’on croit découvrir recouvre la suivante. Pour une fois, ce n’est pas le spectateur qui est à la recherche de la vérité, c’est James. Pris entre les mensonges des uns et des autres, placé face à sa propre ambiguïté, il va découvrir les origines de Bill, la vie sociale de James, sans vraiment comprendre les intentions de Stella ni savoir ce qui s’est vraiment passé ce soir là. Jusqu’à ce que James siffle la fin de la partie, qu’une nouvelle vérité apparaisse, elle apaisera tout le monde.

La Collection est une des rares pièces de Pinter où le spectateur peut rire. C’est James qui est manipulé, lui il n’est que le témoin. Alors il rit. Mais à la fin, quand James peut partir en vacances rassuré, c’est le spectateur qui continue à s’interroger sur les raisons qui ont poussé Stella à inventer tout ça. Brutalement la comédie redevient un film noir.

Dans un décor somptueux et une lumière très travaillée, Ludovic Lagarde offre à sa distribution le luxe du temps. Laurent Poitrenaud est savoureusement désarçonné, renvoyé de mensonge en mensonge comme la balle d’un flipper rebondit sur les bumpers. Micha Lescaux surfe sur l’ambiguïté de la sexualité de son personnage, entre sensualité et provocation. Mathieu Amalric est une merveille de détachement et de désinvolture britannique, quand les origines sociales priment sur le reste. Valérie Dashwood, toute en finesse au centre de la toile, tisse sereinement le fil de sa domination.

Allez voir La Collection, profitez-en pour découvrir l’Amant, créé par la même équipe dans le même décor.

Au Théâtre de l’Atelier jusqu’au 25/06/23
Du mardi au samedi : 21h00; dimanche : 17h00
Durée : 1h20

Texte : Harold Pinter
Avec : Mathieu Amalric, Valérie Dashwood, Micha Lescot, Laurent Poitrenaux
Mise en scène : Ludovic Lagarde

Visuel : DR

Cette chronique a été publiée pour la première fois sur www.jenaiquunevie.com