
Wasted à l’Atalante : le texte puissant de Kae Tempest, mis en scène avec réalisme et douceur par Martin Jobert, un diagnostique au scalpel sur le désespoir de la plongée dans l’âge adulte, une invitation à faire la différence
Sur la scène, posé sur un socle argenté, un parallélépipède vertical, blanc, qui rappelle 2001, l’Odyssée de l’Espace. Un homme nerveux va et vient, les mains nouées… Bonsoir, je suis un peu stressé parce que c’est la première fois qu’on joue en dehors de l’école…
La pièce commence sur cette introduction timide, qui en pose le sujet. Ted, Danny, Charlotte. Ils ont vingt cinq ans, ils ont encore dans la tête les rêves de leurs treize ans, ils réalisent qu’ils sont adultes, pour eux c’est une dégringolade qu’ils ne peuvent éviter. Ce soir ils font la fête, en souvenir de Tony, mort il y a dix ans, on ne saura pas comment. Partir, continuer à rêver, s’installer dans l’usure de la routine, ils voient trois choix. A la fin de la nuit, ils auront compris qu’on ne peut échapper à l’ordinaire de la vie, que c’est le cœur avec lequel on la vit qui fait la différence.
Parfois dit en anglais, le texte de Kae Tempest est aussi puissant que prenant. C’est une plongée dans l’âme désespérée du jeune londonien, celui qui refuse un avenir sans grand espoir dans l’alcool, la drogue et la musique, qui conserve le plus longtemps possible les rêves de ses treize ans. Peter Pan, swinging London, punks, binge drinking, une sorte de constante inventive. On comprend que ce texte a parlé à cette équipe de jeunes comédiens, les a touchés. On l’imagine joué, scandé, sur une musique puissante, plonger dans l’âge adulte, c’est terrifiant, c’est inéluctable…
Martin Jobert s’est est saisi, avec un parti pris de réalisme, presque de douceur. Sur scène, Simon Cohen,Tristan Pellegrino et Kim Verschueren, sur une musique jouée par Raphaël Mars, j’ai ressenti la tendresse qu’ils éprouvent pour ces personnages qui ont leur âge, dont ils partagent leurs interrogations, on est passé par là avant eux, on a peut être gardé quelques uns des rêves de nos treize ans.
Tous ensemble, parfois avec maladresse, toujours avec sincérité, ils portent le beau texte de Kae Tempest, expriment son diagnostique au scalpel, proposent un ticket pour une vie qui a du sens. Tous ensemble, ils m’ont touché, parfois hypnotisé.
Leur projet est né au sein du Studio ESCA, il a mûri avec le soutien du Nouveau Théâtre de l’Atalante, il mérite de poursuivre son chemin et de trouver son public. Un public de treize ans, de vingt cinq ans, de trente cinq ans et plus, il n’est jamais trop tard, there is more to you than your routine, il n’y a pas d’âge limite pour entendre le message.
Au Nouveau Théâtre de l’Atalante
Du 13 au 18 mars 2023 : 19h00
Durée : 1h20
Texte : Kae Tempest – traduction Gabriel Dufay, Oona Spengler
Avec : Simon Cohen, Raphaël Mars, Tristan Pellegrino, Kim Verschueren
Mise en scène : Martin Jobert assisté de Fabien Chapeira
Visuel : Paul Desvaux
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