Quand je serai un homme – Essaïon Théâtre

Quand je serai un homme à l’Essaïon : le second volet du diptyque de Catherine Hauseux et Stéphane Daurat poursuit la réflexion entamée avec Quand je serai une femme, cinq hommes se définissent avec pudeur, loin de l’image d’Epinal de la masculinité.

Sur la scène, du linge est étendu, accroché à trois cordes, draps, chemises, lingerie. Une table, ses pieds sont forgés, quatre chaises. Catherine Hauseux est assise, devant un ordinateur. On aperçoit la silhouette de Stéphane Daurat derrière un voile… Il y a quelques années, j’ai dit à mon petit gars de trois ans… tu ne vas pas pleurer comme une fille… ça veut dire quoi, être un homme ?

Cette question, Catherine Hauseux l’a posée à de nombreux hommes, rencontrés à l’occasion des tournées de la compagnie Caravane. Quand je serai un homme porte la voix de ces hommes, si différents les uns des autres, ce n’est pas seulement une histoire de génération.

Samuel, Jean, Thomas, Xavier, David. Vingt ans, trente cinq ans, quarante cinq ans, cinquante ans, quatre vingt ans. Les hommes parlent moins facilement que les femmes ? Ils répondent aux questions, surtout quand elles sont posées avec bienveillance, sans jugement. Ils parlent du quotidien du foyer, lentement les rôles se rééquilibrent, pas dans tous les foyers, on entend encore trop souvent tu as de la chance que ton mari t’aide, disséquez les deux membres de la phrase, aussi terrifiant l’un que l’autre, elle est le reflet de la vision de la société, une société qui accepte le couple homosexuel, qui a du mal à confier la garde des enfants au père, les enfants auraient besoin d’être maternés.

Ils parlent de leur père. C’est le fils de son père. J’ai un fils, le nom est transmis. Je suis comme mon père. Fort comme toi. Un père souvent lointain, parce que son travail l’emmène loin, parce que les parents se sont séparés, parce qu’il n’accepte pas la vie de son fils.

Quand je serai un homme forme un diptyque avec Quand je serai une femme. On retrouve les mêmes codes, les mêmes accessoires, les mêmes acteurs, ils posent deux regards sur la même société, notre société. Les femmes parlent de leurs études, de leurs enfants. Les hommes parlent de leur père, du regard des autres. Si la technologie avance à grands pas, si les mœurs évoluent parfois, l’évolution, au sens darwinien du terme, ne peut pas suivre ce rythme effréné. Souvenons-nous, il y a 15 000 ans, l’être humain vit dans la grotte de Lascaux, chasseur cueilleur. Tu as de la chance que ton mari t’aide. C’est le fils de son père. Je te donne la sécurité et un peu plus, tu assures la propagation de mon pool génétique. Quand je serai un homme, Quand je serai une femme. L’un regarde vers l’amont, l’autre vers l’aval. On n’y échappe pas, on est construits comme ça.

La voix de ces cinq hommes est portée par Stéphane Daurat, au jeu très fin, touchant, tout en finesse, il porte la difficulté des hommes à verbaliser les choses. Leur amour pour leurs enfants, quand ils en ont. Une sorte de solitude atavique.

Il est difficile de ne pas mettre en perspective les deux volets du diptyque. J’ai reçu Quand je serai un homme avec mon atavisme d’homme, avec mon expérience de vie, me retrouvant plus ici, moins là, parfois touché très intimement, on est comme ça les hommes, on ne parle pas forcément beaucoup, on masque nos larmes, il suffit d’un mot, d’un regard, d’une attitude.

Avec le recul, j’ai réalisé que ce qui n’est pas dans le volet Homme du diptyque est aussi significatif que ce qui y est :

  • Il n’y a pas, dans le volet Homme, la choralité, la sororité, si présentes dans le volet Femme. Les unes chantent en chœur autour du feu, les autres rythment leurs pas ou leur attente en chantonnant doucement, de ce point de vue là, pas grand chose n’a changé depuis Lascaux.
  • Aucun des hommes du volet Homme n’est dans la compétition, aucun ne se livre au concours de la plus grosse, du plus fort, et quand foot il y a, c’est avec sa fille, là, les choses ont évolué, on n’est plus dans l’image d’Épinal de la masculinité bourrée de testostérone.

C’est la force de ce diptyque de ramener le spectateur à l’échelle de l’évolution, les mentalités évoluent, plus vite que l’atavisme, et pas partout au même rythme, la situation en Europe Occidentale n’est pas celle qui prévaut ailleurs.

Alors voyez les deux volets du diptyque, ils sont nécessaire à la construction de votre réflexion.

A l’Essaïon Théâtre jusqu’au 07 avril 2023
Vendredi : 19h15

De et avec : Catherine Hauseux, Stéphane Daurat

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